Discussion entre professeurs

Le professeur Flitwick était dans son bureau lorsque Rodolphus arriva. Il entrebâilla la porte et vit alors le manège que le petit sorcière jouait: menant sa baguette comme celle d'un chef d'orchestre, il s'amusait à imiter un bal où les danseurs étaient remplacés par tout les éléments de la pièce: la théière faisait une ronde avec les tasses pendant que le bureau dansait le tango avec l'immense armoire en chêne. Le lustre tournait sur lui même, alors que les longues plumes d'oie glissaient au sol. Le petit homme était hilare et allait de plus en plus vite.

Fillius ,dit Rodolphus, un léger sourire au lèvre, comme amusé par la situation.

Il se tenait sur le pas de la porte, de façon à ce que son collègue ne le voie pas. Il s'avança et Flitwick baissa les bras sous l'effet de la surprise et tous les danseurs tombèrent au sol dans un fracas.

Ah, la musique ! Un loisir qui détendait Flitwick autant que l'étude des sortilèges. Il aimait la jouer, l'interpréter à sa fantaisie. Il se sentait vraiment libre lorsqu'il pratiquait cette activité. Elle lui permettait de se couper du monde et de ses soucis quotidiens. Et cette année, il en aurait besoin...
C'était donc en plein concert auquel il se livrait pour oublier sa désagréable entrevue avec Bellatrix que Rodolphus le trouva. Lorsque celui-ci entra dans la pièce et prononça son prénom, il laissa tout tomber de surprise.
Il se reprit cependant rapidement, ferma son esprit pour pallier à une éventuelle intrusion du mangemort et agita sa baguette en prononçant une formule vers les objets à terre. La pièce se remit immédiatement en ordre. Puis, il se tourna vers Lestrange qu'il aimait autant que sa femme, c'est à dire pas du tout, et lui adressa la parole d'un air froid.

- Tiens, monsieur Lestrange. Que me vaut le... plaisir... de votre visite improptue ? Vous désirez, tout comme votre charmante femme et notre chère directrice, mettre les choses au point sur la nouvelle manière dont est dirigée l'école ? Si c'est le cas, rassurez-vous, je suivrai vos ordres à la lettre...

*Pour le moment...*

Rodolpus entra dans la pièce comme s'il était chez lui. Il n'avait pas beaucoup de gène, du moins, pas chez les autres, car chez lui, c'était une autre paire de manches avec sa femme. Il s'assit sur le bureau du petit homme et poussa un long soupir.

Non... je viens juste parler avec mon collègue... histoire d'entretenir de bonnes relations sur le plan professionnel!

Rodolphus ne semblait pas dans son assiette. Cet homme que tout le monde redoutait n'était plus que l'ombre de lui-même. Il papillonnait dans le château, sans but précis, toujours dans ses pensées, et il n'était pas étonnant qu'il se cogne sur des élèves. Ceux-ci s'attendaient à subir une engueulade dont seuls les Lestrange ont le secret, mais l'homme répondait pas une simple désolé...

Quel époque vit-on, mon cher Fillius...

Flitwick ne laissa rien paraître de l'indignation qui l'avait secoué lorsque Rodolphus s'était assis sans aucun sens de savoir-vivre sur son bureau.

- Vous savez, monsieur Lestrange, si vous désirez vous asseoir, n'hésitez pas à prendre une chaise...

Vraiment, le mangemort avait un aspect pathétique qui faisait pitié au petit sorcier. Mais il ne devait pas oublier que Rodolphus était un de ces assassins à la solde de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. Il s'agissait peut-être d'une ruse pour l'apitoyer et lui faire commettre une imprudence.

- Quant à l'époque dont vous parlez, n'est-ce pas celle dont vous rêviez ? Le retour du Seigneur des Ténèbres, votre maître bien aimé. A présent, vous pouvez librement exterminer des moldus, torturer des sorciers à l'origine non magique, et faire régner la terreur. N'est-ce pas... merveilleux ?

Acheva Flitwick ironiquement. Il n'avait pas la moindre envie de discuter avec Lestrange, et voulait en finir au plus vite.

Rodolphus repensa à tous ces souvenirs, les grimaces de terreur qui se dessinaient sur le visage de ses victimes qui lui imploraient le pardon, les sortilèges plus terribles les uns que les autres qu'il avait appris tout au long de sa carrière. Ces souvenirs le fient sourire. Il était pris de nostalgie...

Vous savez, mon cher Fillius, j'étais ému d'apprendre le retour de notre grand maître des Ténèbres. Mais, durant tout ce temps maudit où je vivais dans l'ombre espérant enfin un retour sur le devant de la scène, je me suis quelque peu... assagit...

Rodolphus se leva et fit les cent pas dans le bureau de l'homme. Il touchait tout ce qui lui tombait sous la main...

Je préfère laisser ma place à des gens plus jeunes, vigoureux... Je fais entièrement confiance à Drago Malfoy... Je suis fatigué d'une vie pareil... Mais c'est tellement ridicule... puis-je vous faire confiance pour que vous n'en parliez à personne?

Allons bon, voila que Lestrange paraissait pris de remords. Décidément, Flitwick était loin d'avoir fini par être surpris par la complexité de la nature humaine. Rodolphus, ce monstre dénué de sentiments et obéissant aveuglément à sa femme et à son maître, exprimait de la mélancolie vis-à-vis de son existence. Le professeur de sortilèges reprit d'une voix plus douce et plus flûtée.

- Bien sûr, monsieur Lestrange, vous savez parfaitement que je ne répéterai rien de ce que vous daignerez me révéler. D'ailleurs, je ne vois pas à qui je pourrais le révéler, depuis que votre compagnon, Rogue, a froidement assassiné Dumbledore l'année dernière...

Bon, évidemment, il restait à Flitwick les professeurs Chourave et McGonagall pour les confidences, mais Lestrange n'avait pas besoin de connaître cette information... Même s'il le savait sans doute déjà, il paraissait trop mélancolique pour s'en souvenir.

- Je vous écoute donc, monsieur Lestrange. Que vous arrive-il ?

* Prudence, Filius, prudence. Tu sais ce dont les mangemorts sont capables. N'oublie pas qu'il peut jouer la comédie et reste sur tes gardes ! *

Rodolphus revint s'assoir sur le bureau et parcouru la salle des yeux. Il avait un sourire aux lèvres...

Merci... Puis-je vous poser une question quelque peu... embarrassante?

Rodolphus regardait l'homme, le regard triste. Il voyait que même dans de telles conditions, Fillius Flitwick avait peur de lui. Il tremblait à chaque geste et semblait avoir un profond respect pour lui. Cela agacé légèrement Rodolphus, mais il était habitué. Il tapota des objets sur le bureau et caressa une plume. Rodolphus était nerveux, ce qui n'était pas à son habitude. Il n'avait pas souvent parler à quelqu'un comme cela, pas même à sa femme. Quand il était énerve, il tuait quelqu'un... mais même ça ne le calmait plus...

Flitwick observait avec apréhension Lestrange tripoter une plume et les objets sur le bureau : pourvu qu'il ne casse rien !

* Une question embarrassante... Il va peut-être me demander si je suis vraiment du côté du Seigneur des Ténèbres, voire même tenter de sonder de force mon esprit, et comme je l'ai fermé, cela lui semblera suspect. Houlalalalaaa, je n'aime pas ça du tout, oh non, pas du tout du tout même ! Calme-toi, Filius, calme-toi. Réponds avec précision, concision, courtoisie et prudence, et tout ira bien. *

- Bien entendu que vous pouvez, monsieur Lestrange ! Nous sommes entre collègues ! Je vous écoute...

La tension était palpable. Autant pour Fillius que ne savait pas quelle sera la question, que pour Rodolphus qui n'était pas habitué à parler à cœur ouvert...

Je... Vous... C'est comment... d'avoir des amis?

*Rodolphus, tu es ridicule!*

Un moment, Flitwick crut que Rodolphus se moquait de lui. Il ne s'attendait pas à ce qu'il lui pose une question aussi naïve.

- Heu, d'avoir des amis ? Et bien, heu... C'est fort bien, cela permet de faire confiance à quelqu'un en étant sûr que cette personne ne vous poignardera pas dans le dos. Vous pouvez également passer de bons moments ensemble, et échanger vos expériences et vos points de vue.

Flitwick ne voyait pas ce qu'il pouvait ajouter d'autre, tant la question que venait de poser Lestrange était simple et compliquée à la fois.

- Mais... Monsieur Lestrange, pourquoi cette question ?

Rodolphus ne répondit pas à son Fillius. Les règles du jeu était simple: c'était Rodolphus qui posait les questions et Fillius répondait. Point.

Suis-je votre ami?

Rodolphus voyait que Fillius était déconcerté. Où tout cela aller les mener?

* Mon ami ? Un tueur, un mangemort, un fanatique de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom ? Certainement pas, et c'est bien heureux ! *

Telle fut la première pensée de Flitwick à cette question. Cependant, prononcer cette réponse de cette façon constituait un manque évident de tact et pourrait attiser les foudres de Rodolphus, ce que le petit sorcier voulait éviter à tout prix. Ce n'était pas le moment de se faire renvoyer pour une pareille broutille. Il répondit donc lentement, de façon à bien réfléchir sur les mots qu'il allait dire.

- Si je suis votre ami ? Et bien... Si l'on considère la traditionnelle et normale relation qui se noue entre les membres du corps enseignant d'une école, et que l'on prend en compte la situation actuelle de Poudlard où ces mêmes membres sont recrutés en fonction de leur casier judiciaire le plus souvent chargé...

* Bon sang, Filius, tu dis vraiment n'importe quoi, c'est très mal parti ! Dépêche-toi de rattraper le coup ! *

- ... je dirais qu'il se pourrait, vu votre conduite et votre humeur actuelles laissant penser à un soupçon de remords de votre part concernant vos actes passés, et bien que je ne critique absolument pas ces actes...

* Quoique... *

- ... nous pouvons dès lors envisager un embryon d'amitié au dixième degré qui pourrait, peut-être, dans un futur plus ou moins proche, se développer jusqu'à atteindre un palier acceptable où nous pourrons vraiment nous déclarer amis.

Cette longue phrase ne voulait pas dire grand-chose, mais c'est tout ce dont Flitwick fut capable d'improviser pour tenter de ne pas blesser Lestrange.

Rodolphus écouta la longue phrase du petit homme avec intérêt. Il essayait d'en comprendre le sens. Lorsque Fillius prononça son dernier mot, un silence des plus lourds s'instaura alors dans la pièce. Rodolphus repensait à ce qu'avait voulu dire son collègue pendant que celui-ci se demandait comment cette situation abracadabrantesque allait pouvoir se clore. C'est alors que l'homme se leva d'un bond, faisant reculer Fillius d'un pas et se dirigea vers la sortie...

Je... je ne sais pas où vous voulez en venir... mais si je comprend... du moins, un peu... vous... vous envisagez d'être mon ami... je comprend que vous ne vouliez pas précipiter les choses, c'est un peu tôt, et je le consent. Mais je ferai tout pour être votre ami et être le meilleur ami que vous n'ayez jamais eu et suite à cela vous aurez un sentiment de dégout en repensant à ceux que vous avez eu avant moi! Je ferai tous ce qui est en mon possible pour que cela arrive... Et si cela n'arrive pas, vous en payerez les conséquences!!

Flitwick fléchit : cela faisait la deuxième menace en quelques heures, et ça commençait à faire beaucoup. Le meilleur moyen de se sortir de cette situation restait de jouer le jeu de Rodolphus, le temps que celui-ci redevienne normal.

- Très bien, monsieur Lestrange, j'accepte de faire un essai pour devenir votre ami. Cependant, n'oubliez pas que je ne suis pas le seul dans cette école, et que vous pouvez vous lier d'amitié avec quelqu'un d'autre également.

Mais Rodolphus, satisfait de la réponse de Flitwick, n'écouta pas la fin de la phrase et sortit, le plantant devant son bureau.

- Bon... Au revoir, monsieur Lestrange...

Le professeur de sortilèges reprit son concert avec le mobilier de la pièce. Il fallait absolument qu'il se change les idées, il en avait grand besoin. D'autant plus que les cours allaient bientôt commencer.

* Pourquoi, mais pourquoi faut-il que ce genre de situation tombe sur moi ? Voila qui promet une année mouvementée... *

[FIN DU SUJET]

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